Costumière, qu'est-ce que c'est ?
Dans l’univers du spectacle, le costumier – ou la costumière – est la personne responsable des costumes de toutes les personnes présentes sur scène (comédiens, danseurs, figurants…). Il les conçoit, les réalise, et très souvent les accompagne en coulisses lors des représentations. Mais le plus gros du travail s’effectue bien avant la réalisation…
En effet, concevoir un costume est une tâche ardue, presque intellectuelle. L’enveloppe textile du personnage doit renseigner le spectateur en un seul coup d’oeil sur le rôle au sein de l’intrigue de celui ou celle qui entre sur scène, sur ses traits de caractère et ses sentiments. Plusieurs acteurs(trices) et chanteurs(euses) lyriques reconnaissent que sans le costume, leur personnage ne se construit pas. Pour réussir à endosser une nouvelle identité, il faut se mettre littéralement « dans ses chaussures » ! Le vêtement devient alors comme une seconde peau, un guide vers un maintien propre à son personnage.
Plusieurs critères rentrent en compte lors de l’élaboration d’un costume. La première étape consiste à débroussailler le texte de la pièce, à y repérer toutes les indications scéniques qui font références au vêtement. Si un des personnages s’exclame : « Tiens! tu as mis tes chaussures rouges aujourd’hui ? », il faut absolument le prendre en compte. Il faut aussi relever les subtilités de l’intrigue : si la scène se déroule en intérieur ou en extérieur, au lit ou à table, à la maison ou au travail… Une personne ne s’habillera pas de la même façon suivant la situation, quelle que soit l’époque. Les didascalies qui précisent que le personnage sort de scène puis revient totalement changé au bout de quelques secondes sont d’une importance capitale.
Une fois ce travail effectué, on peut commencer à se concentrer sur les personnages, en prenant en compte la vision et les choix esthétiques du metteur en scène :
- Quel genre de spectacle ? Opéra classique, théâtre en salle ou en plein air, cinéma, cirque, cabaret…? Chaque type de spectacle possède ses codes propres. S’il s’agit d’un spectacle vivant, il faudra alors penser en grand, pour que le visuel du costume fonctionne de loin (le spectateur au dernier balcon doit voir aussi bien qu’au premier rang d’orchestre). Pour un film, où les cadrages sont plus serrés, aucun détail ne doit être négligé, car le moindre accroc risque de se voir à l’écran. Pour le cirque et le cabaret, il faudra s’assurer que l’artiste est bien à son aise, car ses mouvements sont plus énergiques (danse, contorsion, acrobaties aériennes…).
- Quelle esthétique ? Pour chaque spectacle, le metteur en scène a une idée bien précise du rendu qu’il veut sur scène. Part-on sur de l’historique, sur du fantaisie, sur une couleur précise ? Adapte t-on la pièce dans les années 70, dans l’espace, ou à Bollywood ? Tout cela nécessite un travail de recherches sur les traditions et les codes que le public pourra identifier facilement, et qui rendront l’ensemble crédible.
- Quel personnage ? Si le costumier s’occupe d’un personnage en particulier, un gros travail de recherches doit être fait sur sa personnalité. Qui est ce personnage que j’habille ? Est-il joyeux, volubile, triste, colérique, fou, amoureux ? Comment se comporte-il par rapport aux autres, faut-il le démarquer de l’ensemble, ou au contraire l’assortir ? Y a t-il une progression de son caractère qui doit se ressentir visuellement ?…
- Des effets ? Va t-on jouer sous la pluie avec du feu ? Veut-on jouer avec la couleur des lumières sur le tissu ? Y a t-il une projection vidéo à intégrer ? Faut-il que le costume se déchire, ou se transforme à vue sur scène ? Toutes ces réflexions doivent impérativement être testées en répétition.
- Quelles matières ? On peut décider de respecter fidèlement l’époque choisie en cherchant des tissus aux matières et aux motifs correspondants, ou bien s’en écarter complètement et utiliser des matériaux différents dont le rendu visuel est plus intéressant (le satin, le velours, le almé, le cuir, le vinyle, le plastique…).
- Propre ou sale ? La crédibilité d’un personnage passe par la logique : s’il a traîné en forêt en pleine nuit, va t-il arriver brillant comme un sous-neuf ? Si la famille n’a plus d’argent, comment s’habille t-elle ? Faire du vieux avec du neuf est parfois l’étape la plus sympathique, car il faut souvent tâtonner pour arriver à un résultat plaisant. Chutes de tissus, mais aussi terre, farine, cendre, huiles et peintures en tout genre… Tout peut fonctionner !
- La facilité : il arrive parfois qu’un comédien doit changer complètement de tenue très rapidement, voire même enlever son costume sur scène. Dans ces cas-là, personne ne peut venir l’aider : comment faire alors pour rendre ce déshabillage plus facile ? Boutons pressions, bandes de scratch, élastiques et aimants cachés sont les meilleurs amis du costumier. Le déshabillage sera testé plusieurs fois en répétition en compagnie de l’équipe technique et, si besoin, adapté, jusqu’à ce que le comédien puisse le maîtriser seul.
- Et les accessoires ? Le costume, ce n’est pas seulement le vêtement. Coiffures, perruques, chaussures, gants, sacs, montres, bijoux, manteaux, masques, chapeaux, mouchoirs, parapluies… Tout doit être réfléchi !
Mais la contrainte la plus complexe, celle qui est indissociable du projet, avec laquelle il est obligatoire de composer… c’est bien sûr le budget ! Pas de belles soieries ou de cuir de crocodile pour les petites productions; place aux fripes, aux fonds de tiroirs, à la récupération de matières et au détournement d’objets. Tout est bon pour ne rien acheter !
Une fois tout ce travail de recherches effectué, le costumier va proposer au metteur en scène différentes esquisses de costumes. Si on considère que le projet respecte la logique du personnage, qu’il s’inscrit au mieux dans l’esthétique du spectacle et s’il est financièrement possible de le réaliser, c’est gagné !
Ne reste plus qu’à le fabriquer…
Témoignage : être costumière au 21e siècle
« Nous sommes aujourd’hui à l’époque du jetable. Les spectacles restent moins longtemps qu’auparavant à l’affiche, il faut donc s’adapter et faire des costumes qui reviennent moins cher. Pour moi qui défend le savoir-faire et l’artisanat, c’est un problème. Mon métier n’est pas virtuel, rien ne se fait en un clic. L’artisanat prend du temps. Vous savez, je couds avec les mêmes outils qu’il y a un siècle, alors faire un ourlet de cinq mètres requiert de la patience. Je ne suis pas inscrite dans la logique qui veut que tout se fasse plus vite à notre époque. Je suis de ceux
qui ont un savoir-faire et cela prend du temps : le temps de peindre, le temps de séchage, le temps de coudre…
Pour moi, tout le monde est sur le même plan et je ne fais de même pas de différence entre l’attention que je porte à habiller un figurant ou à habiller l’acteur principal. Tout le monde sera sur scène et chaque costume mérite une attention particulière. Je ne suis jamais en retard dans mon travail, je m’y prends six mois en amont mais je livre les costumes à temps. En effet, les acteurs ont besoin de répéter en costume pour s’y habituer et construire leur jeu avec eux. Ils doivent répéter les changements de costumes, s’approprier les accessoires et pour cela il leur faut trois semaines à un mois. Je suis donc prête avant tout le monde ! »
Pascale Bordet, costumière depuis 1982.
Retrouvez l’intégralité de l’interview sur le site des Théâtres et Producteurs Associés.